La RSE présente-t’elle des enjeux de nature à influencer les performance des centres d’appels ?
Malika HADJOU vient de terminer avec succès son Master 2, Management Stratégie Entreprises, Spécialité Développement Durable. Après un peu plus de dix ans au sein d’un groupe de télécoms, elle a décidé de quitter son poste de cadre supérieur en charge de Clients Grands Comptes pour reprendre des études et s’orienter vers de nouvelles voies professionnelles plus en harmonie avec ses aspirations. Elle a choisi pour thématique au soutien de son mémoire le sujet de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) dont les dispositions et la contemporanéité ont capacité à s’implanter au sein des entreprises. Travaillant dans un centre d’appels pour finaliser son Master 2, son expérience de l’activité des opérateurs télécoms lui a permis d’analyser rapidement ce secteur où prime la gestion de la relation clients directs (donneurs d’ordres) et indirects (usagers, consommateurs).
LA RSE PRÉSENTE-ELLE DES ENJEUX DE NATURE À INFLUENCER LES PERFORMANCES DES CENTRES D’APPELS ?
Cet abstract s’articule autour de 3 thèmes :
1 - Quelles normes RSE en centre de contacts ? Lire le focus >>
Avant de parler de normes, il faut revenir à l’origine de la RSE et l’approche de son utilité.
« Un développement qui répond aux besoins du présent sans altérer la capacité des générations futures à répondre aux leurs » Rapport Brundtland
« Concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire » Livre Vert de l’UE
Les Normes de la RSE
L’idée directrice de la norme est de formaliser un ensemble de pratiques afin que toutes les entreprises assoient leurs actions selon un cadre commun. Toutefois, la norme ne se limite pas à l’entreprise elle atteint le consommateur ou l’usager qui voit dans celle-ci un principe qualitatif, éthique et respectueux des législations. Cependant, les normes ne sont pas obligatoires, elles répondent à une démarche volontaire qui peut être accomplie par toute entreprise.
Les normes peuvent être classées en 3 catégories : Technique, Administrative et de Gouvernance. Certaines normes peuvent être interactives avec une norme issue d’une autre catégorie.
- La catégorie Technique est relative à l’environnement et à son management. Elle vise les divers types de polluants et de nuisances (Norme ISO 14000 et s.)
- La catégorie Administrative est afférente aux prescriptions processuelles. Elle sert de guide à l’entreprise dans sa démarche de certification (Norme SA 8000 Droit du Travail) ; de méthodes à observer dans la validation de l’établissement des rapports (Norme AA1000 et s.).
- La dernière catégorie traite de la Gouvernance dans son comportement managérial. C’est à ce niveau que se définit la politique du volet social et des pratiques RSE (Norme ISO 9000 et s., management de la qualité ; Norme ISO 26000, gouvernance de la stratégie RSE).
La norme de référence des centres d’appels
La norme NF EN 15838 impose des engagements de services vis à vis du client et emporte des obligations de résultats mesurables. Elle a récemment été annulée et remplacée par la norme :
- ISO 18295-1 destinée aux centres d’appels et,
- ISO 18295-2 spécifique aux donneurs d’ordres recourant au service de centre d’appels.
Les centres d’appels disposent également de labels auxquels ils peuvent se référer
Le label LRS est un label privé (propriété de l’Institut National de la Relation Client -INRC). Il signifie Label de Responsabilité Sociale, il est dédié au centre d’appels. Le label LRS évalue les pratiques responsables du centre d’appels et ses engagements sociaux en matière de gouvernance. Il s’appuie sur le référentiel ISO 26000, qui est une norme nettement plus contraignante et complexe.
L’égalité hommes – femmes
Les Labels Égalité Professionnelle entre les femmes et les hommes (2004) et de la Diversité (2008) sont des labels publics (officiels) propriété de l’AFNOR. Le premier témoigne des bonnes pratiques et de l’engagement de l’entreprise dans la gestion des ressources humaines dans l’intégration et le respect du principe d’égalité entre les hommes et les femmes ; le second vise à prévenir les discriminations, à favoriser le respect de l’égalité des chances et la promotion de la diversité.
2 - Appliquer les normes RSE en Centre de contacts. Lire le focus >>
La certification d’une norme et/ou la labellisation reste une démarche volontaire de la gouvernance qui l’inscrit dans sa stratégie de management. La mise en œuvre d’un processus de certification et/ou labellisation nécessite une implication et un accompagnement de l’ensemble des parties prenantes internes (gouvernance, personnels, partenaires sociaux) et externes (fournisseurs, collectivités).
Cette démarche n’est pas gratuite elle requiert des investissements financiers et humains importants ; elle passe par un audit RSE préalable pour jauger de son degré d’implication, de la faisabilité de sa mise en œuvre et du coût de l’engagement du centre d’appels.
Transformation et conduite du changement en centre de contacts
La norme et/ou le label ont un impact certain sur l’organisation et les actions du centre d’appels. Ils supposent :
- une réadaptation des structures, du management et des modes de travail,
- une formation plus importante afin que le personnel soit davantage en mesure de satisfaire aux exigences professionnelles attendues par le donneur d’ordres.
Le degré d’influence se détermine au regard des carences que le centre d’appels peut présenter par référence à l’application de la norme et/ou label envisagé.
La culture d’entreprise peut se révéler être un frein ou un moteur pour considérer la RSE comme une opportunité de développement. Généralement, la gouvernance soupèse le coût de l’investissement par rapport aux avantages mesurables espérés, la notion de R.O.I. reste une donnée permanente à la prise de décision.
Les RH, au four et au moulin
Les frais de personnel représentent en moyenne 70% des coûts d’un centre de contacts. La maîtrise des effectifs est donc un enjeu clef qui passe par :
1 – Une gestion fine de cet ensemble d’individus et de compétences de différents niveaux selon : les dispositifs légaux, la politique générale de l’entreprise et les obligations de la RSE.
2 – Le respect des besoins de l’entreprise (et des clients finaux) : rôle de conseil stratégique, formation & gestion des carrières et de la mise en conformité de l’organisation interne à la RSE.
En quoi les normes relatives aux centres d’appels influencent-elles le service RH qui, dans la logique de ce volet social, lui échoie ?
Le bien-être au travail en centre de contacts
La norme et le label revêtent un principe plaçant le salarié au centre de l’attention des mesures pour faciliter son bien-être au travail selon différents axes :
- Politique de rémunération
- Gestion des carrières et promotions
- Formation professionnelle
- Entretien du dialogue Social
- Action préventive santé et des risques psychosociaux
3 - RSE : investir pour atteindre des objectifs. Lire le focus >>
Les mesures RSE peuvent être contraignantes ou alourdir la charge de travail du personnel, en ce cas la RSE peut être rejetée par les salariés. Elle s’inscrit comme une charge financière pour l’entreprise, elle représente un investissement dont le retour peut se situer dans l’amélioration de la qualité du travail (satisfaction client, qualité de service, délai de traitement d’un appel…) ; sur un meilleur impact commercial (développement du chiffre d’affaires).
La RH chiffre les coûts et les économies liés à l’action RSE.
La vocation de la RSE est d’être responsable, elle impose d’être mesurable, atteignable et réaliste, quantifiable et chiffrable.
Ces mesures globalement menées devraient permettre aux centres d’appels de réduire le turn-over constaté (environ 18%) et l’absentéisme (environ 5%).
L’implication réussie de la gouvernance et de la RH se reflète dans l’exemple d’une société qui a fait preuve d’innovation dans sa stratégie RSE : réduction de son turn-over, en le ramenant à 8%; augmenter la durée d’ancienneté de son personnel de l’ordre de 48 mois contre 22 à la concurrence.
À l’inverse, une autre société, multinationale, marque davantage une volonté de rentabilité financière à la recherche de subventions et/ou avantages sociaux (centre d’Étrelles en Ille-et-Vilaine), elle a fait face à des conflits sociaux importants en 2016.
Le retour sur investissement (ROI) reste la prérogative de l’entreprise, cependant la RSE ne se pose pas en charge, elle offre un retour profitable pour le centre d’appels qui saisit par cette voie, une opportunité de retours bénéfiques d’une meilleure rentabilité en valeur et durable dans le temps.
Le marché Français des centres de contacts
Concrètement, le marché des centres d’appels (externalisés) draine plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires chaque année. L’étude réalisée par Bearing Point et le SP2C (2016) porte principalement sur le marché français face à la concurrence offshore. Entre 2012 et 2014, le marché offshore a enregistré une augmentation de +3.6% alors que le marché français accuse un ralentissement de -4,5%.
Le marché intérieur français représente environ 273.000 emplois (chiffre 2012…), ces derniers se répartissent en province à hauteur de 48%. L’étude met en exergue que les emplois sont à 77% des contrats à durée indéterminée pour l’année 2014 marquant un recul de 4% par rapport à l’année 2012. L’occupation des postes est majoritairement féminine avec un taux de 64%.
L’expansion des centres de contacts passe par une mutation interne qui fait écho à l’externe…
L’observation des comportements, des modes de consommation au travers des réseaux sociaux et des relais d’opinions peut être une source d’informations pour les centres d’appels. Ceux-ci peuvent extraire de précieuses données transformables en arguments commerciaux ou en conseils utiles au client donneur d’ordres. Ils peuvent élaborer de nouvelles prestations plus aptes à répondre aux attentes des entreprises clientes ou à prospecter. L’utilisation des outils de veille facilite la réaction en instantané, ou dans un délai relativement court, du centre d’appels.
Une des nouveautés qui fait une montée en puissance est la consolidation de l’Intelligence Artificielle (IA). Elle consiste à établir un dialogue interactif entre l’homme et la machine. Des logiciels tels que CORTANA, SIRI… sont un exemple de potentiel en devenir. L’IA a déjà fait ses preuves aux États-Unis chez HUMANA (spécialisée dans le secteur de la santé) ; IBM travaille sur un projet destiné aux centres d’appels avec son ordinateur Watson.
QUESTION – Dans quelle mesure la voix artificielle relèvera-t-elle du service proposé par les centres d’appels ?