AFRC : Ceux qui n’anticipent pas vont vite disparaître, car le digital rend le temps plus court
A la tête de l’Association Française de la Relation Client, Eric Dadian revient pour nous sur la nécessité de transformation des entreprises à l’ère où le numérique change en profondeur leurs activités.
Publié dans le carnet d’expériences : « Rentabilité d’entreprise, épanouissement des employés, qualité de service :un équilibre vertueux est-il atteignable au quotidien ? » téléchargez-le !
Accélération numérique, nouveaux usages… comment résumeriez-vous ce à quoi sont confrontées les entreprises aujourd’hui ?
Eric Dadian, Président de l’AFRC : A l’AFRC, nous parlons de « révolution client ». Le changement de paradigme place la relation client au coeur des stratégies des entreprises : c’est maintenant le consommateur qui décide quand, comment et sur quels supports, il souhaite entrer en interaction avec l’entreprise, notamment grâce au numérique et à la mobilité.
La relation client change, mais est-ce que cela ne va pas plus loin ?
Eric Dadian : Les conséquences sont nombreuses. Pour les entreprises, cela veut dire savoir s’adapter ; avec de nouvelles compétences, de nouvelles organisations… Cela va en obliger certaines à être sur le pied de guerre 24h/24, à développer des approches multilingues, sur tous les canaux, simplifier les parcours client et augmenter l’expertise de leurs employés. C’est une opportunité, à condition d’avoir à disposition des personnes capables de tirer parti de la masse de connaissance et de technologies accessibles à l’entreprise.
Cependant, pour gérer les demandes, l’entreprise n’a pas forcément besoin des mêmes compétences, aux mêmes horaires, alors qu’en parallèle, elle doit rester ultra-réactive…
Il est possible d’innover pour faire face. Un e-commerçant comme Zappos* s’appuie ainsi sur des auto-entrepreneurs en télétravail. Cela signifie aller chercher à l’extérieur des expertises très précises selon les besoins identifiés, en fonction des circonstances, avec une excellente réactivité.
Cela peut-il fonctionner au sein même de l’entreprise ?
Eric Dadian : Tout à fait. Une évolution rapide va avoir lieu pour que l’entreprise connaisse mieux les compétences auxquelles elle a accès en interne. Il faut une tour de contrôle qui permettra d’aller chercher les bonnes personnes au bon moment… Et ce, au-delà des silos, en sélectionnant des expertises commerciales, RH ou encore informatiques, comme un véritable chef d’orchestre. De grandes marques tentent d’ores et déjà l’expérience de ces « Directions Clients étendues ». C’est une remise en cause culturelle.
La technologie sert-elle ou dessert-elle ces approches ?
Eric Dadian : Il n’y a pas de contraintes technologiques. Les outils existent. Maintenant, il faut arrêter de faire s’affronter entre eux les différents acteurs de l’entreprise. C’est aberrant si l’on veut faire mieux, de façon plus réactive et assurer la qualité de service.
Une excellente qualité de service client ne risque-t-elle pas de se faire au détriment du confort de ses propres employés ?
Eric Dadian : Je pense qu’il existe de bons contre-exemples. Prenons cette très grande marque américaine qui a créé des hubs de contacts partout dans le monde. Sa stratégie est affirmée : le client est roi. Pour autant, les salariés sont remarquablement bien traités. Ils sont bien payés, ils sont invités à des évènements sportifs, ils ont de nombreuses compensations, les conditions de travail sont bonnes… L’exigence vis-à-vis du service offert au client n’est pas un problème pour les salariés, à condition d’y voir un ROI plutôt qu’un centre de coûts. C’est un investisse-ment qui doit permettre de gagner de nouveaux marchés ! Cela va permettre de dégager des budgets traditionnellement consacrés à la publicité vers des sources de valeur plus innovantes. Les salariés font partie de ces sources de valeur.
Est-ce que de tels changements peuvent être rentables à court terme ?
Eric Dadian : Il faut garder des indicateurs simples en tête : 20% des clients changent d’opinion en regardant une publicité à la télévision. Ce chiffre atteint 80% quand ils consultent les avis de leurs pairs sur une marque. Dans cette optique, même à court terme, mieux vaut assurer la qualité du service, car les vieilles méthodes pour survendre sont contreproductives si les clients finissent par critiquer l’entreprise. Pour tous les types de produits et services, l’engagement client est la clef.
Est-il si simple de fédérer ses employés pour générer cet engagement client ?
Eric Dadian : Une marque a une grande capacité d’identification, y compris en interne. Sa culture, ses valeurs, peuvent créer un engagement fort. Dans un monde transparent et ouvert, il ne sera de toute façon bientôt plus possible de tricher, ni avec les clients, ni avec les salariés. A l’AFRC, face à cette dynamique, nous avons développé en 2004 une norme « NF Service » à destination des consommateurs, qui permet de juger la qualité de service perçue sur l’ensemble des canaux de contacts, mais nous avons également mis en place un label de responsabilité sociale. Celui-ci évalue la façon dont les salariés sont formés, quels sont leurs conditions de travail, leurs salaires, leur intégration… Ces deux outils sont symétriques ; il y a une vraie convergence.
A quel point est-il possible de planifier le bon équilibre entre service délivré, travail des employés et rentabilité ?
Eric Dadian : Je pense qu’il faut anticiper un maximum. Ceux qui ne le font pas vont vite disparaître, car le digital rend le temps plus court. Pour y parvenir, on quittera sans doute petit à petit les approches tayloristes, les processus figés à outrance ou les scripts en centre de contact. Cela se fera au profit de plus d’autonomie et de souplesse. Des modes de télétravail innovants vont par exemple se développer pour soulager certaines tensions de nos sociétés.
Pour qui le défi d’adaptation va-t-il être le plus difficile ?
Eric Dadian : Pour tous les acteurs, la priorité doit être de ne pas opposer les différents canaux de contact. A ce titre, même les plus traditionnels peuvent innover. Une expérience comme la « zone café » de la Société Générale montre bien que le face à face répond encore à de véritables attentes, s’il sait fournir une expérience différente. Les centres de contact doivent eux aussi évoluer fortement vers plus d’autonomie, de liberté… Tout le monde a sa chance, à condition de trouver les bons équilibres. L’entreprise doit être à l’écoute et customer-centric. Si cela veut dire changer d’outils, d’organisation ou encore de manière d’engager ses salariés, alors il ne faut pas hésiter.
*Zappos.com est un magasin online de vêtements et chaussures, basé à Las Vegas et racheté par Amazon en 2009 pour 847 millions de dollars.