L’intervention du service RH dans l’optimisation du temps de travail : fonction support ou superflue ?
Cet article résume les travaux de recherche menés par une jeune étudiante (fraichement diplômée) dans le domaine de la Gestion des Ressources Humaines (Ecole de management de Strasbourg) dans le cadre de son mémoire de fin d’études : L’intervention du service RH dans l’optimisation du temps de travail : fonction support ou superflue ?
Emeline Bruetschy a eu l’opportunité de faire une année d’apprentissage au sein du service RH du Centre E.Leclerc d’Altkirch (68). Cette entreprise de 220 salariés applique le principe de l’annualisation du temps de travail et sa mission était d’en optimiser le fonctionnement. A travers la pratique en entreprise, un recueil bibliographique et un questionnaire soumis à 34 entreprises (dont 19 dans le secteur de la grande distribution), Emeline a ainsi pu apprécier les avantages de l’intervention du service RH dans l’organisation du temps de travail tout comme les obstacles que peuvent rencontrer les professionnels RH.
La vision transversale du service RH au service de l’optimisation du temps de travail
Lorsque l’on sait que plus de la moitié du budget des entreprises est consacré au personnel (50 à 85% selon les domaines d’activité), il est primordial d’accorder de l’importance à sa gestion.
L’artisan de l’harmonisation des procédures au sein de l’organisation
Le service RH, comme son nom l’indique, est un service dédié à la gestion de ce personnel, appelé « Ressources Humaines ». A ce titre, la formation de ses équipes est spécifique et tournée vers une gestion optimale de ces ressources en vue d’appliquer la stratégie de l’entreprise. En lien direct avec tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise, les professionnels RH disposent d’une vision transversale des besoins et des attentes de chacun et sont à même de mesurer la portée et les conséquences que peut avoir chaque décision.
Ils ont donc toutes les ressources nécessaires pour prendre part à l’orientation de la stratégie RH et à son application uniforme auprès de chaque collaborateur, dans le but d’éviter un management à deux vitesses et de renforcer la cohésion au sein de l’entreprise.
Plus de la moitié du budget des entreprises est consacré au personnel (50 à 85% selon les domaines d’activité)
Le moteur de la mise en place d’un aménagement du temps de travail
Les professionnels RH sont également des spécialistes du droit du travail. A cet effet, ils sont capables de rechercher et de proposer, lors des négociations, les solutions les plus adéquates pour répondre à la problématique de l’optimisation du temps de travail. De nombreux choix s’offrent aux dirigeants d’entreprise : la modulation du temps de travail, l’individualisation des horaires, le temps partiel choisi, le travail posté, etc. Chaque système possède ses avantages et ses inconvénients, et à travers ses compétences juridiques et sa connaissance des enjeux de l’entreprise, le service RH peut conseiller utilement la direction et les syndicats dans leur choix et dans la définition des modalités.
La modulation a ainsi été choisie par 55% des entreprises questionnées (dont 47% dans le domaine de la grande distribution), puisqu’elle présente de nombreux avantages, tels que la flexibilité des horaires, l’anticipation des besoins, la mobilisation des équipes en période de charge haute tout en économisant des heures supplémentaires.
47% des entreprises de la grande distribution ont choisi la modulation du temps de travail
Le fournisseur d’outils RH pour l’accompagnement des opérationnels
Le service RH est chargé de faire respecter les règles légales du droit du travail, et donc de contrôler l’application de celles-ci sur la durée du temps de travail, avec ses durées maximales et ses temps de pause. Pour cela, des outils peuvent être utilisés afin de collecter les informations, les contrôler et les utiliser pour prendre les décisions adéquates. Ces outils font partie du Système d’Information des Ressources Humaines (SIRH), comme l’est la Suite Planexa® utilisée au centre Leclerc d’Altkirch, et sont souvent connectés à une pointeuse ou badgeuse. Ils permettent l’automatisation et l’harmonisation des procédures, un gain de temps certain et un contrôle plus fiable. Ainsi, 71% des entreprises interrogées disposent d’un logiciel de gestion du temps de travail et 61% utilisent également une pointeuse. Les autres entreprises pointent d’ailleurs un manque de contrôle des retards, des pauses, du respect des durées maximales de travail et un travail chronophage.
De plus, les logiciels sont de plus en plus polyvalents et le service RH peut là encore apporter son expertise et ses conseils sur le choix du SIRH et de ses modules. Lors de l’utilisation des SIRH, le service doit se positionner en tant qu’expert et référent : les managers doivent être formés dès leur arrivée et être accompagnés au quotidien, afin d’harmoniser les pratiques.
71% des entreprises interrogées disposent d’un logiciel de gestion du temps de travail
Parmi les entreprises interrogées, 68% estiment que le temps de travail est optimisé au sein de leur organisation grâce à la combinaison de toutes les pratiques évoquées ci-dessus. Cependant seules 53% ont considéré que le service RH est une fonction support dans ce domaine.
Une intervention dépendante de la place attribuée au service RH au sein de l’organisation
Le service RH a les capacités nécessaires pour mettre en place les outils permettant une optimisation du temps de travail, mais aussi pour faire adhérer l’ensemble des salariés et du personnel encadrant à cette stratégie. Cependant, des conditions se posent pour que cette tâche soit effective.
L’influence de l’environnement interne et externe de l’organisation
Le domaine d’activité influence la place du service RH au sein d’une entreprise, mais aussi sa taille, son âge, sa culture, le contexte social et les règles juridiques applicables. Ainsi, dans le secteur de l’industrie, beaucoup d’entreprises appliquent le principe du travail posté et lorsque les charges sont fixes, le service RH n’intervient que très peu dans un système automatisé aux équipes stables.
Dans la grande distribution, les entreprises se présentent le plus souvent sous la forme de PME, des centres de profit basés sur le management direct, avec un service RH souvent réduit à l’administration du personnel. En effet, pour les entreprises ayant répondu au questionnaire, il y a 0,9 membre du service RH pour 100 salariés dans le secteur de la grande distribution, contre 1,3 dans tous les secteurs confondus. Cependant, le fort taux de turn-over dans ce secteur pousse les entreprises à adopter des procédures stables et à maitriser les coûts engendrés par la gestion du personnel, ce qui rend nécessaire une politique RH forte et une réflexion sur l’optimisation du temps de travail.
Seuls 0,9/100 personnels RH dans le secteur de la grande distribution, contre 1,3 dans tous les secteurs confondus
L’impact différent de la politique RH selon l’implication des managers
Les managers peuvent également devenir un obstacle pour l’intervention du service RH. Ils sont les « premiers RH » de leur équipe, puisqu’ils sont chargés d’appliquer la politique RH au plus près des salariés et bénéficient d’une proximité avec eux pour comprendre leurs besoins et leurs attentes. Ils disposent donc d’une vision pratique et d’un contrôle direct sur le terrain, au contraire du service RH qui peut être très éloigné du travail concret. La collaboration est donc nécessaire pour une application efficace des politiques RH.
Pourtant, un manque de compétence, de formation et d’implication, mélangé à de la subjectivité et des préjugés à l’égard du personnel de bureau, peuvent mettre en péril cette collaboration. Le dialogue, la sensibilisation, la formation, l’accompagnement quotidien et le contrôle de la part du service RH sont primordiaux afin de trouver les meilleures solutions. Le partage des tâches doit également être clair. Dans le domaine de l’organisation du temps de travail, de nombreuses entreprises questionnées ont choisi de confier la planification des horaires aux managers qui connaissent le mieux les besoins, mais le contrôle des horaires réalisés est le plus souvent réalisé conjointement avec le service RH, notamment pour vérifier le respect de la légalité. Des procédures sont donc nécessaires pour permettre l’optimisation du temps de travail.
La prise de position décisive de la part de la direction
Enfin, le service RH ne peut intervenir sans l’appui de la direction qui doit donner l’impulsion et la légitimité de ses actions face aux managers pour les mobiliser, mais aussi face aux salariés afin de les faire adhérer aux mesures prises. L’optimisation du temps de travail nécessite un investissement temps et matériel et doit donc s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise. L’engagement de la direction se fait également lors des négociations avec les syndicats ou lors de l’investissement financier dans un SIRH ou dans une solution de pointage.
Conclusion
Le service RH ne peut en aucun cas être considéré comme une fonction superflue dans l’entreprise, ne serait-ce qu’en raison de sa capacité à gérer globalement et efficacement l’ensemble du personnel. Grâce à sa position centrale et sa vision transversale dans l’entreprise, il a la capacité de devenir une fonction support dans le but d’optimiser le temps de travail dans l’entreprise et de contribuer à sa croissance, mais il doit en avoir l’opportunité et recevoir le soutien des dirigeants et des managers dans ses actions. Le service RH est donc indéniablement une fonction support mais qui ne remplira sa fonction qu’à condition d’en avoir les moyens.
Ce constat ne concerne cependant pas uniquement l’optimisation du temps de travail, mais bien d’autres sujets pour lesquels le service RH peut agir pour développer les « Ressources Humaines » et voit peu à peu ses compétences reconnues.
Emeline Bruetschy
Biographie – Emeline Bruetschy, Jeune diplomée Haut-Rhin (68)
Après une licence généraliste en droit, je me suis spécialisée lors d’un Master 1 Droit du travail réalisé à Strasbourg (67). Par la suite, un Master 1 Administration Economique et Sociale m’a permis d’ouvrir mes connaissances vers la finance, l’informatique et la stratégie économique. Enfin, mon cursus universitaire s’est achevé en 2016 avec un Master 2 Gestion des Ressources Humaines à l’Ecole de Management de Strasbourg, effectué en apprentissage au sein du service RH du Centre Leclerc d’Altkirch (68). C’est lors de cette dernière année d’études que j’ai réalisé mon mémoire sur le thème de : ‘ L’intervention du service RH dans l’optimisation du temps de travail : fonction support ou superflue ? ‘.Actuellement en poste de RH Local au sein de CMI Europe Environnement qui est une entreprise située à Aspach-Michelbach (68) et qui œuvre pour la dépollution de l’air, je travaille au quotidien avec 110 collaborateurs. J’aspire aujourd’hui à mettre en pratique toutes mes connaissances et à acquérir de nouvelles compétences au contact de professionnels RH, dans le but d’évoluer professionnellement.
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