Guide du magasin connecté – Alliancy Le Mag
De la vision stratégique à la transformation IT : quelles clés pour bien digitaliser les points de vente ?
Holy-Dis est éditeur de logiciels de Workforce Management (prévision d’activité, planification RH, gestion des temps…). Son président-directeur général, Bruno Delhaye, souligne dans cet entretien l’importance pour les enseignes de s’intéresser aux enjeux RH quand elles avancent sur le sujet de la digitalisation des points de vente.
Digitalisation ne doit pas rimer avec déshumanisation. Il faut repenser aussi la gestion des hommes et des tâches.
Pourquoi un acteur comme Holy-Dis s’intéresse-t-il au phénomène de digitalisation des points de vente ?
Bruno Delhaye : La digitalisation a un double impact, sur les usages des clients et sur les comportements des collaborateurs. Au-delà de l’enjeu technologique, il ne faut donc pas sous-estimer les nombreuses conséquences RH qui vont apparaître, au fil des choix réalisés par les enseignes et dans leur démarche omnicanal : drive, le click & collect, utilisation de nouveaux dispositifs dans les magasins ou proposition de nouveaux services… On ne peut plus séparer les thèmes : au-delà de la nouvelle morphologie des points de vente, c’est l’évolution même des marques qui est au centre des priorités et cela inclut donc leurs réalités organisationnelles, de gestion des compétences, des emplois du temps…
Autrement dit, digitaliser c’est également savoir gérer d’importantes conséquences RH ?
Bruno Delhaye : En effet, on sait bien que de tels changements quand ils dépassent le stade de l’expérimentation ont de
fortes conséquences sur le comportement des collaborateurs. Celui-ci est lié aux attentes des clients : interactivité, instantanéité, pertinence. Aujourd’hui, l’information est une ressource très facilement accessible : sur presque tous les sujets, chaque consommateur peut devenir un « expert débutant » en quelques clics. En face, le collaborateur – le vendeur par exemple – doit être capable d’avoir un coup d’avance s’il veut apporter une valeur supplémentaire.
Qu’est-ce que cela signifie en termes d’organisation ?
Bruno Delhaye : Cette expertise supplémentaire pose la question des « bonnes compétences » disponibles. Face à la variété des attentes et au nombre de produits et de services concernés, cela pousse également les enseignes à avoir de plus en plus besoin de polyvalence. Il faut donc que les retailers puissent avoir à la fois une connaissance fine de leurs collaborateurs et de leurs compétences au niveau global pour s’adapter, et qu’ils puissent s’appuyer sur des outils qui leur permettent de gérer ces nouvelles réalités, avec une vision transversale, en supprimant l’étanchéité traditionnelle entre les canaux.
C’est donc avant tout un enjeu de centralisation de l’information ?
Bruno Delhaye : Pas seulement. La centralisation pour les sujets réglementaires ou administratifs est nécessaire pour plus d’efficacité. De même pour les objectifs business des magasins. Toutefois, ce sont les points de vente qui connaissent le mieux leur saisonnalité, leur zone de chalandise, les compétences, les disponibilités et les attentes de leurs employés. Leur permettre d’arbitrer sur des sujets comme l’organisation, l’emploi du temps, est nécessaire. Rendre le pouvoir au local et faire participer activement au processus de planification chaque collaborateur permet non seulement de ménager les désirs des uns et des autres, mais également de générer un engagement de leur part sur des problématiques importantes pour le magasin.
Comment cela ?
Bruno Delhaye : En mettant en place une démarche plus collaborative, le salarié aura l’occasion de mieux comprendre le business, et donc les impacts d’une transformation de fond comme la digitalisation. C’est un moyen pour
mettre tout le monde au même niveau d’information, et pour donner du sens aux choix retenus. On parle
de nouveau de plus en plus de « détaylorisation ». Ce n’est pas anodin : l’entreprise fournit les règles,
par exemple en indiquant les périodes sur lesquelles il n’est pas souhaitable que telle ou telle compétence prenne des vacances, et en expliquant pourquoi, les salariés peuvent alors très souvent s’organiser, se coordonner. La transformation numérique est intimement liée au développement
d’une nouvelle philosophie managériale dans toutes les entreprises, y compris dans les magasins. Plus de
flexibilité, de liberté face à l’amplitude horaire attendue, de polyvalence sur les tâches… sont nécessaires pour tirer parti de la dynamique numérique et omnicanal.
Plus de liberté face à l’amplitude horaire attendue et de polyvalence sur les tâches sont nécessaires pour tirer parti de la dynamique numérique et omnicanal.
Les collaborateurs sont-ils réceptifs vis-à-vis de ces changements ?
Bruno Delhaye : Comme pour toute transformation des habitudes et des modes de travail, une bonne conduite du changement est impérative pour trouver le bon équilibre entre centralisation et collaboration.
Après le salaire, la principale préoccupation d’un employé en France est son emploi du temps. Cela se comprend, l’impact sur sa vie quotidienne est très important ; il faut donc être particulièrement attentif à la façon dont l’entreprise gère la transition. Réaliser des proof of concept pour simuler une nouvelle
organisation du travail est donc tout aussi nécessaire que de mener des expérimentations avant d’introduire des tablettes dans tous ses magasins par exemple.
Quels indicateurs peut-on surveiller pour déterminer si cette nouvelle organisation apporte vraiment de la valeur dans le cadre de la transformation de l’enseigne ?
Bruno Delhaye : Les indicateurs ne sont pas si différents que ceux que l’on voudra surveiller par ailleurs en cherchant les meilleurs atouts de la digitalisation. Ainsi, l’augmentation de la satisfaction client doit être visible car la nouvelle organisation doit permettre de réduire les temps d’attente et d’améliorer la qualité des conseils et des services rendus. De façon plus spécifique, la réduction des situations de manque d’effectifs, mais également de surplus, est un très bon indicateur. En rebond, c’est une baisse des frais de personnel et une réduction du nombre d’heures supplémentaires. La baisse du taux d’intérimaires et de travailleurs étudiants par exemple est également à surveiller. Au niveau plus global, et sur un temps légèrement plus long, il faudra constater un turnover moins important, et par extension une baisse des frais de formation. Enfin, d’un point de vue qualitatif, l’équité sur les plannings et la satisfaction des employés doit augmenter, afin de générer une plus grande adhésion à la « marque employeur » et à la culture d’entreprise. Ce dernier point est une clé pour pouvoir entrainer tout le monde dans le changement et la stratégie de digitalisation décidée par l’enseigne. En résumé, pour réussir, le magasin connecté doit l’être avec ses clients mais il doit l’être aussi avec ses collaborateurs !